La sécurité à l’épreuve des surenchères et des confusions du Président du Conseil régional PACA

Dans le contexte des attentats ayant frappé notre pays, les ministères de l’Education Nationale et de l’Intérieur ont annoncé des mesures pour renforcer la sécurité des écoles et des établissements scolaires. En PACA, le président du conseil régional, Christian Estrosi, a quant à lui annoncé un plan de 10 mesures, pour renforcer la sécurité dans les lycées, qui laisse à penser que la Région pourrait et devrait se substituer à l’Etat en la matière.

Sur un sujet aussi sensible et important, il importe de raison garder, de refuser les instrumentalisations politiques, ainsi que d’associer les personnels, par le dialogue social, et de respecter leurs missions.

Mission de l’Etat

La sécurité est une mission de l’Etat et il est légitime que l’Education Nationale œuvre à la sécurisation de tous. La sécurité est en même temps le souci de tous. Tous les personnels travaillant dans les écoles, les collèges et les lycées y ont toujours été attachés et y veillent quotidiennement. Personne ne nie le besoin d’intégrer la menace terroriste pour mieux y veiller encore.

Il est, à ce titre, regrettable que dès la rentrée, la communication du ministère de l’Education Nationale ne se soit pas adressée directement à l’ensemble de la communauté éducative. Par ailleurs, au-delà du contexte des attentats, les questions de sécurité sont plus générales, ne sont pas nouvelles et le temps et les moyens humains nécessaires pour former la communauté éducative (pour les soins aux premiers secours par exemple), pour encadrer les élèves, ne sont toujours pas prévus, à cette rentrée encore.

Du côté de l’exécutif de la Région PACA : sécurité ou « com » ?

Surtout, il est n’est ni justifié, ni responsable, de susciter un climat de psychose, tel l’élue de l’équipe de Christian Estrosi disant vouloir protéger les lycées contre les « Barbares et les terroristes » qui « sont aux portes de nos villes » . Il n’est ni efficace, ni crédible, de favoriser une surenchère sécuritaire, à coup d’effets d’annonce ou de décisions à l’emporte pièce, notamment de la part d’élus locaux qui semblent privilégier le calcul politique ou manquer de maîtrise.

En matière de sécurité, les collectivités territoriales, si elles peuvent contribuer à des degrés divers , n’ont ni les compétences, ni les moyens humains et matériels pour se substituer à l’Etat.

Que penser alors des 10 mesures présentées par le président du Conseil régional à la rentrée ? Quelques unes relèvent des compétences de la Région (construction, entretien et fonctionnement matériel des lycées), comme l’équipement des lycées d’alarmes différenciées pour distinguer les alertes incendies des alertes intrusions.

Mais la plupart créent une confusion entre les compétences de la Région et celles de l’Etat, ce qui ne sert pas le droit à la sécurité. La « mise en place d’un comité régional de sécurité et de prévention de la délinquance dans les lycées », illustre clairement ce débordement, qui n’a guère de sens. La généralisation des caméras de surveillance , dont l’efficacité pour protéger est loin d’être prouvée, a surtout le mérite de la visibilité pour un élu local.

Les agents régionaux des lycées (ARL) mis en porte à faux

Plus surprenant, voire choquant, l’exécutif régional a aussi l’intention de faire jouer aux ARL le rôle d’agents de sécurité. Les agents d’accueil seraient formés aux filtrages (contrôle d’identité et visuel des sacs, etc.). Ils deviendraient même les « premières vigies dans la lutte contre la radicalisation », avec une « formation des 600 chefs d’équipe et agents d’accueil des lycées à la détection des signaux faibles de radicalisation et au signalement des comportements suspects. »

C’est pourquoi le SNUTER-FSU (la « FSU Territoriale ») du Conseil régional, représentant la majorité des ARL en PACA, rappelle que la sécurité doit être assurée « par du personnel spécialisé et qualifié, et non pas par les personnels territoriaux des établissements, dont ce n’est pas leur mission première » (même si chacun à son rôle à jouer) et que « c’est à l’Etat de prendre ses responsabilités en matière de sécurité et de protéger nos enfants et les personnels. »

En effet, contribuer, comme fonctionnaire et comme citoyen, à de bonnes conditions de sécurité est une chose. Effectuer des missions de sécurité en tant que telles, relevant de la sécurité civile, de la police ou du renseignement, en est une autre. Les ARL, comme tous les autres agents travaillant dans les lycées (et comme dans les écoles et les collèges), fonctionnaires territoriaux et fonctionnaires d’Etat, enseignants ou « non-enseignants », ne sont pas qualifiés pour cela et n’ont pas vocation à le devenir. Quant à la lutte contre la « radicalisation » elle ne peut être, fondamentalement, qu’une affaire de spécialistes, d’experts, de haut niveau en ce domaine. Faire croire le contraire relève de l’irresponsabilité politique.