Intervention de Gérard Aschiéri, Président de l’Institut de la FSU, secrétaire général de la FSU de 2001 à 2010, au stage de la FSU PACA : syndicalisme, quel avenir ? – 16 et 17 février 2012.

La FSU entre autonomie et difficultés d’élargissement : évolutions jusqu’au congrès de Perpignan



Intervention de Gérard Aschiéri

Pour vous parler des débats qui ont accompagné l’élargissement du champ de syndicalisation de la Fsu, je souhaite remonter un peu en arrière et vous décrire le contexte dans lequel ces débats se sont déroulés et les décisions ont été prises.

La première remarque que je voudrais faire est que, dès sa création, le FSU s’est posée la question de son rapport avec les autres organisations syndicales : ainsi le congrès de Macon (1994) affirmait sa volonté de rechercher des « formes inédites » d’unification et régulièrement, elle a pris des initiatives dans ce sens, par exemple la proposition d’espace permanent de débat qu’à évoquée tout à l’heure Pierre Toussenel ou celle de CLUI (comités de liaison unitaires interprofessionnels ) formulée en 2001 au congrès de La Rochelle.

Ces propositions ont échoué parce que n’y ont répondu que des forces trop réduites pour les rendre effectives (ainsi seuls Solidaires et une fédération de la CGT avaient montré leur intérêt pour les CLUI. Elles n’en ont pas moins existé et ont été formulées avec persévérance.

En même temps qu’elle recherchait les moyens de dépasser les divisions syndicales, la FSU en construction- et on peut dire qu’elle l’est sans doute encore- s’est préoccupée de sa consolidation et de son renforcement. Et pour reprendre l’image de Pierre, elle s’est efforcée d’avancer dans un équilibre dynamique entre ces deux préoccupations. Elle l’a fait en fonction des circonstances.

Au nombre de ces circonstances, je mettrais volontiers les dates qui lui ont permis d’apparaître comme une force du mouvement social avec laquelle il fallait compter et une force combative : il s’agit d’une part du mouvement contre la réforme de la loi Falloux, fin 1993 et début 1994, où elle s’est posée comme moteur d’un mouvement sur l’école, et d’autre part du mouvement contre les réformes Juppé en 1995 où elle à fait une entrée remarquée dans le mouvement interprofessionnel.

Ces deux périodes ont donné une certaine image à la FSU, celle d’une organisation dynamique, originale et attractive.

Dans la même période, elle est devenue l’organisation incontestablement majoritaire de l’EN (avec le maintien des résultats de ses syndicats du second degré et la réussite du Snuipp dans le premier degré). Elle est en même temps devenue incontournable dans la fonction publique si bien qu’en 1996 s’est produit un double phénomène : le gouvernement à dû accepter son entrée au conseil supérieur de la fonction publique de l’état et en même temps, répondant à une demande commune de FO et CFDT (et un « nihil obstat » des autres), il a édicté de nouvelles règles visant à limiter notre place dans ce conseil et à nous empêcher de nous étendre (le fameux amendement Perben)

En 2003 malgré l’échec du mouvement qui n’a pas atteint les objectifs qu’il s’était fixé la FSU à conforté son image et pris une place encore plus importante dans le mouvement social.

Dans le même temps la FSU s’était investie dans des initiatives visant à établir des liens entre diverses formes du mouvement social ( associations, autres syndicats…). Le SNES d’ailleurs s’y était investi avant même la création de la FSU en établissant des liens par exemple avec AC !, organisation lancée par la CFDT-ANPE. Ce furent ensuite RESSY structure de réflexion et de débat associant des chercheurs et des syndicalistes de diverses origine ( FSU, Solidaires, CGT., CFDT) puis les États Généraux du Mouvement Social et ultérieurement ATTAC.

Ces diverses initiatives ont permis de nouer des liens avec les militants de ce qu’on appelait la gauche CFDT en lutte pour changer l’orientation de cette centrale.

Et d’une certaine manière c’est assez naturellement qu’une partie d’entre eux, faisant le constat de l’impossibilité de ce changement et décidant de quitter leur confédération se sont tournés vers la FSU. Deux facteurs ont joué : d’une part l’image acquise par la FSU dans la période, d’autre part les relations établies de longue date. S’y ajoutait un autre élément selon moi de moindre importance : le fait qu’ils étaient dans la plupart des cas dans des secteurs où la FSU n’existait pas et que par conséquent il n’ y avait aucun passif ni rivalité ancienne.

La première arrivée à été consécutive au mouvement de 1995. Ce fut celle du syndicat CFDT de ANPE, devenu désormais Snu-pôle emploi. Ses dirigeants convaincus qu’ils ne parviendraient pas à faire bouger les choses à l’intérieur de la CFDT prirent d’abord des contacts discrets avec nous et organisèrent leur départ en ayant des assurances sur leur accueil à la FSU d’abord sous une forme provisoire. Cette arrivée suscita quelques réticences mais ne posa pas de véritable problème et le congrès de la Rochelle acta l’adjonction d’un domaine au champ de syndicalisation de la fédération, celui de l’insertion.

La seconde vague intervint après le mouvement de 2003 et l’acceptation par la CFDT de la réforme des retraites moyennant quelques concessions. Les départs furent importants mais se firent dans le désordre tantôt vers la FSU tantôt vers la CGT tantôt vers Solidaires avec pas mal de « pertes en ligne » au final.

Les demandes en direction de la FSU obligeaient à élargir son champ de syndicalisation à l’ensemble de la fonction publique, ce qui provoqua un sérieux débat au congrès de Perpignan, cet élargissement apparaissant à certains comme contradictoire avec le projet initial de la FSU et suscitant le soupçon d’une création subreptice d’une nouvelle confédération.

En fait, il ne s’agissait de rien d’autre que de la poursuite de cet équilibre dialectique et dynamique entre consolidation et recherche de modalités nouvelles d’unification.

A joué dans la décision bien sûr la demande de forces syndicales qui avaient partagé les mêmes combats et les mêmes valeurs que nous mais trois autres éléments ont été déterminants : d’une part, le fait qu’à cause de la décentralisation une partie des syndiqués de la FSU allait dépendre de la territoriale et que nous avions besoin de moyens et d’expérience pour les défendre, d’autre part l’analyse de la situation et des évolutions de la FPE qui nous faisait penser qu’on ne pouvait pas se contenter de défendre une partie des personnels indépendamment des autres, enfin l’idée que c’est en étant plus forts nous-mêmes que nous pourrions mieux peser pour l’unité.

C’est donc ainsi que le congrès de Perpignan a tranché en faveur de l’élargissement.

Avant de terminer je veux aussi rappeler que la FSU n’a pas connu qu’un renforcement et une extension. Ainsi après le congrès de la Rochelle, le SNETAA a quitté la fédération : mon opinion est que cette décision résulte du fait que ce syndicat n’a jamais accepté le fédéralisme ; se cramponnant à sa souveraineté de syndicat national pour couvrir des pratiques parfois peu démocratiques ; il a le plus souvent refusé l’effort pour la construction de positions communes qui avec la souveraineté des syndicats est le second pilier de notre fédération. Après son départ le SNUEP a été créé pour rassembler les PLP mais sans parvenir jusqu’à présent au niveau de syndicalisation qui était celui du SNETAA et le syndicalisme dans les LP s’en est trouvé durablement morcelé et affaibli.

Autre faiblesse, l’impossibilité de réunir une majorité qualifiée pour accepter l’adhésion d’un syndicat représentant les personnels de l’enseignement privé : je le regrette pour deux raisons. D’une part le vote des personnels du privé à été décompté pour la mesure de la représentativité dans la fonction publique et des organisations comme la CFDT et la CFTC en ont largement bénéficié ; d’autre part, cela ne nous aide pas dans la lutte pour la défense du service public d’éducation face au privé.

En résumé, il faut selon moi retenir que les évolutions du champ de syndicalisation de la FSU ont été tributaires des circonstances mais se sont toujours inscrite dans une double préoccupation s’efforçant d’associer de façon dynamique son propre renforcement et une recherche de formes permettant de dépasser les divisions et la dispersion du mouvement syndical.