La FSU pense qu’un nouveau paradigme est en train de naître concernant le système productif. Certes, rien n’est encore joué, et des forces contradictoires s’expriment.

Pour autant, la grave crise économique qui a éclaté en 2008 a assez bien démontré ce que nous écrivions en 2007 [1] : « une politique du tout marché sans contrôle conduit la production économique elle-même à des tensions internes insupportables et à l’impasse ».

C’est un « nouveau mode industriel [2] » qui se met en place : la production a changé de nature, l’industrie est intimement liée aux activités de services, mais il n’existe pas de société « post industrielle ». Pour s’en convaincre, ne suffit-il pas d’observer la Chine et la façon dont ce pays a systématiquement organisé son décollage industriel d’abord et la conquête de nouveaux marchés ensuite ?

La formation, un enjeu majeur pour la dynamique territoriale

L’ancrage dans le territoire devient déterminant, mais d’une façon très différente du XIXe siècle. Les ressources essentielles sont devenues les ressources humaines, l’aménagement du territoire, et l’existence sur ces territoires de services publics. Car le global se nourrit du local en le transformant. La performance économique passe par l’innovation, la qualité, la variété des biens et des services. L’efficacité productive « résulte de la densité et de la qualité des coopérations au sein des firmes, mais aussi entre les firmes [3] ».

Le territoire acquiert ainsi un rôle essentiel. Il permet de ralentir les rythmes en donnant accès aux « sucres lents [4] ». Les ressources immatérielles ne peuvent se construire que dans la durée. « Dans un monde où les facteurs de compétitivité ne sont plus donnés par la nature mais construits par la société – l’éducation, les compétences, les ressources de relation et d’organisation -, le rôle économique des institutions politiques se trouvent ipso facto renforcé.(…). Les politiques publiques doivent assurer la cohésion sociale, condition de l’efficacité [5] ».

Les politiques de formation constituent à l’évidence un de ces « sucres lents ». Les firmes utilisent la montée de la scolarisation, le développement des systèmes de santé qui sont des ressources socialisées. Contrairement à une vulgate répandue, on peut produire mieux et moins cher avec des ressources plus coûteuses.

L’indispensable relation formation/recherche/innovation

La recherche est très liée à l’ensemble des interactions culturelles, à la diffusion des connaissances donc à la formation, mais ne s’y réduit pas. L’innovation se déroule désormais à un rythme très rapide et ne peut se réaliser qu’en présence de salariés bien formés. Ce qui change aujourd’hui, c’est l’interconnexion des connaissances nécessaires. La place des TIC par exemple est transversale à l’ensemble de la production et des services. Les TIC n’entraînent pas l’émergence de branches nouvelles, mais une diffusion de tous les produits informatiques dans tous les types de production. « L’hybridation systématique des techniques est de règle dans les applications concrètes [6] » : la microélectronique se développe en même temps que la micromécanique par exemple.

Aussi les savoirs génériques et fondamentaux priment sur les savoirs trop spécialisés. Pourtant, il faut aussi être spécialisé : car une production est toujours spécialisée. En fait, il faut désormais pouvoir se reconvertir, réinvestir ses savoirs, évoluer au rythme des innovations. Et donc avoir engrangé des savoirs précis et spécialisés, à partir desquels il est possible de construire de la transversalité, et de la reconversion : c’est le propre des filières technologiques qui se sont construites au sein du système scolaire à la fin de XXe siècle.

Lier le plan de formation avec les autres plans régionaux

Les questions de formation doivent pouvoir s’inscrire au sein du schéma régional d’aménagement du territoire, en complémentarité avec le schéma de l’enseignement supérieur et de la recherche, ou encore en relation avec le schéma de développement économique. C’est non seulement possible, mais aussi fortement souhaitable. C’est ainsi que peut naître une vraie démocratie locale, dynamique et innovante, si les conditions sont réunies : en particulier la volonté des pouvoirs publics (Région, Etat en région) de conduire un projet audacieux de développement économique mais aussi social de la région PACA.

Toutes les branches et les secteurs de la production sont concernés.

Comme nous l’avons plusieurs fois avancé, la FSU souhaite que la production industrielle innovante puisse se développer en PACA. D’ITER à la microélectronique, les atouts ne manquent pas. Des secteurs plus anciens – chimie, sidérurgie- peuvent se transformer en innovant. En pays méditerranéen, il est urgent de pleinement investir la question de la production durable et de la construction idoine.

L’agriculture doit se maintenir, et là aussi innover, en investissant dans la formation. Une production méditerranéenne de qualité appuyée sur des circuits courts dans le cadre du développement durable offre des perspectives. Développer des formations de l’agriculture qui participent à l’aménagement du territoire et peuvent devenir des sources de nouvelles filières ou nouveaux métiers actuellement pas ou peu existants (filière bois et gestion forêt, Ecologie et énergie, Production agricole urbaine …) avec le souci de l’équilibre entre prix du foncier et subsistance de terres arables.

Les activités de service nécessiteraient de longs développements. De fait, voilà une catégorie bien peu pertinente. Toute une partie est étroitement liée à l’activité productive de biens : c’est le tertiaire supérieur ou encore la logistique. D’autres activités sont ambivalentes : le tourisme peut être porteur s’il est maîtrisé, socialement plus équitable s’il vient en complémentarité aux activités productives, et s’il est en synergie avec d’autres activités comme les activités culturelles et sportives. Enfin, il y a les services à la personne. Il faut incontestablement les développer, mais aussi sécuriser et qualifier ces emplois, à l’opposé de toute démarche visant à créer une nouvelle domesticité.

Mais tout cela ne sera vraiment possible que si l’on s’attache dans le même temps à accompagner le développement économique d’une forte composante sociale. Afin de réduire les fortes inégalités spatiales, scolaires, sociales, d’emploi. C’est ici la question de la sécurisation des parcours professionnels qui est au cœur de la problématique.

De nombreuses propositions concernant le développement économique et social ont déjà été faites. On les trouve pour partie dans les schémas régionaux. On les trouve aussi, souvent plus détaillées, du moins avec des propositions précises dans les rapports du CESER, propositions qui ont été travaillées par la société civile dans sa pluralité.


[1] L’avenir à construire, Analyses et propositions de la FSU région PACA, Syllepse, Nouveaux Regards, 2007

[2] C’est le titre d’un ouvrage de Pierre Veltz Le nouveau monde industriel, Gallimard, 2000

[3] P.Veltz, Le nouveau monde industriel, Gallimard,2000.

[4] Id.

[5] Id.

[6] P. Veltz, Mondialisation, villes et territoires, PUF, 1996, réédition 2005