22 octobre 2012

Formation–orientation-emploi : Comment avancer ?

Un des moyens pour sortir de la crise consiste à élever les qualifications de tous, jeunes et population active, à réformer la formation en s’appuyant sur le service public. Cela suppose une politique nationale ambitieuse, l’abandon des visions néolibérales sur la relation formation-emploi, une véritable démocratie sociale. Y répondre par la décentralisation au nom de la supposée efficacité de la « proximité » serait un contre-sens.

Une véritable concertation, c’est possible

En région PACA, un processus innovant de concertation a vu le jour lors de l’élaboration du CPRDF*, voté en 2011. Une telle démarche suppose une volonté politique, du temps, du travail pour tous les partenaires.

La FSU y a pleinement joué sa partition, en étant à l’initiative d’une démarche intersyndicale notamment avec la CGT et la CFDT ; en faisant avancer ses revendications grâce à un important travail de conviction, d’explication et d’argumentation sur des dossiers aussi fondamentaux que la nécessaire élévation des qualifications, la distinction entre orientation scolaire et professionnelle, l’importance de la formation initiale… Cela nous a permis de battre en brèche bien des présupposés idéologiques qui gangrènent le débat politique : ainsi l’adéquation orientation-formation-emploi pourtant parfaitement « introuvable ».

Le processus se prolonge maintenant au sein du CCREFP* (co présidé par la CGT) et de ses commissions. Celle concernant le suivi et évaluation du CPRDF, co présidée par la FSU, avance vers une démarche d’évaluation éloignée des préceptes dominants du management public. Celle sur l’orientation poursuit le travail amorcé dès le CPRDF, qui avait conduit l’ensemble des syndicats comme la Région à s’opposer avec succès à la mise en place du « service public d’orientation » à la mode Morano à Marseille en juin 2011, où la Cité des Métiers prétendait annexer tous les services publics existants : CIO, Pôle emploi ou les Missions Locales.

Ces avancées ont été possibles grâce à un terreau intersyndical unitaire ancien en région, conforté par la mobilisation des personnels de CIO face à la tentative du coup de force ministériel, par une démarche politique audacieuse de la Vice Présidente de la Région en charge de la formation, enfin par un positionnement éclairé de l’Etat.

Vers la régionalisation de la « chaîne orientation-formation-emploi » ?

Les questions de l’évolution productive et de l’emploi sont aujourd’hui dans toutes les têtes. Il est possible d’avancer à condition de permettre à la démocratie sociale de véritablement se déployer. Mais ce n’est pas en donnant aux Régions, a priori et avant tout débat démocratique, la maîtrise de la « chaîne », sans modifier radicalement le contenu des politiques, qu’on y réussira. C’est d’une politique ambitieuse de l’Etat qui est nécessaire. Promouvoir le second degré et ses trois voies, générale, technologique et professionnelle, augmenter le taux d’accès au bac et la poursuite d’études dans le Supérieur impliquent de revenir sur les régressives réformes antérieures, celles du lycée et la LRU. Or, l’accord entre le premier ministre et l’ARF, signé le 12 septembre, confiant aux Régions le pilotage de la carte des formations et celui de l’orientation, dessine au contraire un scénario noir car dualiste : l’école du socle, puis un lycée amputé à terme de la moitié de ses lycéens. L’élite irait au lycée général, où les voies technologiques auraient disparu puis à l’université. Les élèves en difficultés rejoindraient les dispositifs régionaux : LP, apprentissage, formation continue, écoles de la 2e chance… au sein de 26 politiques régionales. Démocratisation et élévation des qualifications seraient ainsi stoppées.

Le service public d’éducation ou de l’emploi ne peuvent voler en éclat parce que les élus régionaux revendiquent du pouvoir. Le rôle de l’Université ne peut être réduit à la seule innovation compétitive parce que le monde de l’entreprise le demande. L’horizon des politiques de formation ne saurait s’inscrire dans l’unique demande « économique » régionale. L’addition de lobbyings divers ne peut tenir lieu de politique.

Le monde syndical doit peser en travaillant ces sujets pour réaliser des formes d’unité syndicale sur la formation et l’emploi, en portant ses revendications dans la concertation mais aussi dans les mobilisations. La démocratie sociale pourrait alors commencer à exister.

Josiane Dragoni, secrétaire régionale de la FSU PACA

Article paru dans la revue du Snesup de novembre 2012.

ARF : Association des Régions de France

CIO : Centre d’Information et d’Orientation

CPER : Contrat de Plan Etat Région devenu Contrat de Projet.

CPRDF* Contrat de Plan Régional de Développement des Formations Professionnelles

CESER : Conseil Economique, Social et Environnemental Régional

CCREFP : Comité de Coordination Régional de l’Emploi et de la Formation Professionnelle.

LP : Lycées professionnels