Compte-rendu du chapitre sur les inégalités territoriales en matière éducative
Rapport « Vers l’égalité des territoires »
Les inégalités territoriales d’éducation secondaire.
Titre du chapitre : Les inégalités territoriales d’éducation secondaire
(Sylvain Broccolichi, Choukri Ben-Ayed, Danièle Trancart)
Depuis une dizaine d’années des sociologues et statisticiens cherchent à mieux comprendre les relations qui existent entre les inégalités scolaires et les inégalités territoriales. Ils s’appuient sur un indice de tonalité sociale fondé sur trois critères : le groupe social (très défavorisés, ouvriers, favorisés), la part des élèves boursiers et la part des élèves étrangers. L’utilisation de cet indice révèle de fortes disparités entre collèges (si 10% de collèges accueillent moins de 16% d’élèves issus de la catégorie ouvrier, 10% de collèges en accueillent plus de 55%) et entre départements. Les départements les plus défavorisés se situent au Nord ou en région Parisienne. A l’autre extrémité de l’échelle les trois départements les plus favorisés sont en Ile-de-France (Yvelines, Hauts-de-Seine, Essonne). Les chercheurs se sont intéressés aux départements où la moyenne des élèves aux épreuves de sixième est soit nettement supérieure, soit nettement inférieure à la moyenne prédite en fonction de la composition sociale des collégiens du département. L’écart entre le résultat observé et le résultat attendu constitue ce qu’ils appellent la sur-réussite (écart positif) ou la sous-réussite (écart négatif).
Dans plus de la moitié des départements l’écart se révèle très faible entre résultats prédits et résultats observés. Dans une vingtaine d’autres les écarts sont significatifs. On distingue d’une part des départements en sous-réussite, dans le bassin parisien, l’Ile-de-France, la côte méditerranéenne et d’autre part des départements en sur-réussite, dans le Sud-Ouest et le Massif Central. Parmi les départements en sous-réussite maximale on trouve à la fois des départements socialement défavorisés et des départements socialement favorisés (Hauts-de-Seine, Yvelines…). Il en va de même des départements en sur-réussite.
L’Île-de-France comprend la plupart des départements en sous-réussite maximale à l’entrée et à la sortie du collège. Les déficits d’apprentissage touchent surtout les familles les plus fragiles économiquement. La jeunesse et l’inexpérience des enseignants ont tendance à aggraver les choses. Depuis le début des années 80 la polarisation sociale de l’Île-de-France s’est accentuée avec une augmentation d’un profil de communes « défavorisées » et une élimination des communes de profil social moyen. Les disparités entre établissements s’en trouvent accrues.
Les agglomérations les plus peuplées sont celles où les disparités sociales et scolaires sont les plus marquées. Plus la hiérarchie sociale du recrutement est marquée, plus les écarts de résultats entre élèves de groupes sociaux différents sont forts. Les écarts de résultats sont particulièrement impressionnants lorsque l’on compare les villes très ségréguées (Paris, Lille, Marseille) où la hiérarchisation sociale des établissements joue à plein et les petites unités urbaines de moins de 10 000 habitants où la hiérarchisation est impossible. Les processus ségrégatifs à l’œuvre dans les villes sont particulièrement négatifs pour les enfants issus de milieux populaires, mais surtout les résultats sont « inférieurs à l’attendu » pour tous les groupes sociaux dans les territoires les plus ségrégués. Ainsi, « en fonction des territoires où ils sont scolarisés, des élèves de statuts sociaux et culturels comparables, ont de très inégales chances d’apprendre ». Ces mécanismes produisent toute une série d’inégalités dans différents domaines et tout au long de la vie. Si le système Français est aujourd’hui l’un des plus inégalitaires c’est donc en raison de la force des inégalités socio-spatiales.
Enrayer ces dysfonctionnements est l’un des défis majeurs auquel doit se confronter la puissance publique. Cibler les moyens sur les établissements les plus en difficulté est une réponse insuffisante. La lutte contre les inégalités doit s’inscrire dans un cadre territorial plus large : celui de l’unité urbaine. Il faut encourager le développement des « cercles vertueux » reposant sur la mobilisation d’équipes pédagogiques, des familles, des élus locaux, des travailleurs sociaux. Il faut tenter de limiter, à l’échelle des villes, les processus de contournement de la carte scolaire. Dans les établissements les plus en difficulté il faut stabiliser les équipes et développer un véritable accompagnement pour les décrocheurs. Enfin les auteurs suggèrent la constitution d’outils statistiques plus fiables et la mise en place d’instances pluri-catégorielles chargées d’observer ces inégalités.