Formation, chômage : les trois paris de la réforme Pénicaud
L’Assemblée nationale adoptera ce mercredi la deuxième grande loi portée par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, sur la réforme de la formation, de l’apprentissage et de l’assurance-chômage. – Hervé Ronne/REA
L’Assemblée adopte définitivement ce mercredi le projet de loi avenir professionnel. CPF en euros, libéralisation de l’apprentissage et règles Unédic mises à plat : la réforme est ambitieuse mais risquée.
Et de deux. Après les ordonnances modifiant le Code du travail fin 2017, l’Assemblée nationale va adopter ce mercredi la deuxième grande réforme portée par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. Le texte intitulé « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », revoit en profondeur la formation professionnelle, l’apprentissage et l’assurance-chômage, mais aussi l’égalité homme-femme, le handicap ou le travail détaché. Le vote solennel des députés consacre la « 2e étape de la rénovation du modèle social français », assure-t-on dans l’entourage de la ministre du Travail sans éluder l’importance des paris engagés.
L’apprentissage en liberté
Pour le ministère du Travail, l’objectif est clair depuis le début : libérer totalement l’offre de formation en apprentissage. Et tant pis s’il a fallu pour cela se fâcher avec les régions en leur retirant leur pouvoir de régulation. Une déclaration à la préfecture et une certification qualité suffiront désormais pour ouvrir un centre de formation d’apprentis (CFA). Le bouleversement ne s’arrête pas là. En lieu et place du système très complexe de subventions actuel, chaque CFA sera financé selon le mécanisme de « coût-contrat » : à chaque contrat d’apprentissage signé une somme lui sera versée. Plus son offre de formation sera adaptée aux besoins des entreprises, plus il en signera et plus il touchera. Et inversement.
Reste à mettre tout cela en musique. Il va falloir établir ce que coûte chaque formation , transformer les organismes collecteurs Opca qui détiendront les cordons de la bourse, revoir les référentiels des diplômes, prendre en compte la spécificité du supérieur… Bascule prévue le 1er janvier 2020 !
Le CPF en euros.
Le volet formation professionnelle de la loi amplifie plus qu’il ne révolutionne l’existant. Avec deux marqueurs idéologiques forts : individualisation et libéralisation. La preuve avec le compte personnel de formation (le CPF). Créé en 2014, il sera désormais crédité en espèces sonnantes et trébuchantes – à hauteur de 500 euros (800 pour les non qualifiés) et non plus 24 heures par an. Autre changement majeur, le CPF sera utilisable sans intermédiaire. Muriel Pénicaud promet une « super » application mobile pour identifier une formation, ses taux de succès, ses débouchés, s’inscrire et payer en ligne !
Le ministère du Travail n’élude pas les risques d’arnaques mais y oppose deux gardes-fous : pour accéder aux fonds du CPF, un organisme devra être certifié et se connecter à l’application mobile. Salariés et chômeurs pourront aussi se faire guider gratuitement via le conseil en évolution professionnelle (CEP), dont le cahier des charges va être réécrit.
Le bonus-malus
La version initiale du texte prévoyait d’attendre le résultat des négociations de branches pour prendre ou non deux décrets anti contrats courts d’ici à septembre 2020 : sur l’instauration d’un bonus-malus sur les cotisations patronales et sur les règles de cumul allocation-revenus d’activité. Jusqu’à ce qu’ Emmanuel Macron appelle devant le Parlement réuni en Congrès début juillet à remettre à plat les règles d’indemnisation de l’Unédic , accusées de favoriser l’abus des CDD de moins d’un mois.
Syndicats et patronat, qui réclamaient un agenda social, ont été entendus, mais pas là où ils espéraient : le gouvernement va leur proposer de négocier une nouvelle convention Unédic dès la rentrée . Pour la troisième fois en moins d’un an et demi sachant qu’ils n’ont jamais réussi à régler le problème qui les oppose frontalement !
« Le document de cadrage mentionnera le bonus-malus comme condition d’agrément de l’accord. Autrement dit, sans bonus-malus pas d’agrément et c’est nous qui le mettrons en place », jure-t-on dans l’entourage de la ministre du Travail. Il en va d’une promesse d’Emmanuel Macron. mais une promesse qui ne fait pas, loin s’en faut, l’unanimité au sein du gouvernement .
Alain Ruello
31 juillet 2018